Mṣab Mẓab At Mẓab
Mṣab / Mẓab / At Mẓab
Sans vouloir toucher le fond des choses qui appellent à consacrer beaucoup de temps aussi bien que de moyens, je dirais que le fond populaire de la région du Mẓab est quasi-totalement zénète. Les At Mẓab cités par exemple par le père de l’histoire des Imazighen Abderrahmane Ibn Xeldun sous forme arabisée Beni Muṣab « مصاب », sont affiliés à At Badin (Beni Badin d’Ibn Xeldun).
Les sources ibadites aussi bien que non ibadites de l’époque médiévale, ont désigné la population du Mzab par 1 dénomination principale, à savoir M(u)ṣab. Ibn Kheldun lui-même utilise la forme « Muṣab » pour les compter au nombre des différents groupes apparentés aux Zénètes qui peuplaient (à quelle époque ?) la région du Ẓab, mais aussi le Sahara (et en particulier le petit sud). Par ailleurs, Ibn Kheldun décrit les Badin et leurs ramifications tribales y compris les Beni Muṣab comme suit : « les Beni Badin ibn Mohamed descendant de Zahhik (1) par une filiation dont je ne m’occuperai pas à présent. Parmi leurs nombreuses ramifications, on peut citer les Beni Abd-El-Ouad, les Beni Tuğğin, les Beni Muṣab et les Beni Aerdan,… sous les Zenata de la première race, on désignait toutes ces tribus par le nom de Beni Ouacin ; mais cela se faisait avant l’époque où elles étendirent leurs nombreuses ramifications sur l’Ifrikia, sur le désert de Barka et sur le Zab » (Ibn Kheldun, Tome III, p. 303). Par ailleurs, sans arriver à placer sa thèse dans un cadre historique, W. Esterhazy, dans « Origines et migrations des tribus berbères et particulièrement des Beni-Mzab », fut le premier à établir le lien entre le Zab et la dénomination Mzab. En outre, H. Aucapitaine évoque de sa part que les Mozabites tirent leur nom du Zab, pays qu’ils ont quitté pour se fixer dans la région où ils sont aujourd’hui.
Je voudrais attirer l’attention que les Habitants du Mzab se sont depuis un temps immémorial nommés At Mẓab, jamais At Muṣab (مصاب), At Muḍab (مضاب) (2), ni At Muṣɛab (مصعب) ou AT Mizab (ميزاب), comme ils n’ont jamais employé d’ailleurs le toponyme Ghardaia, c’est toujours Taɣerdayt. Ces cas sont nombreux et nécessitent d’être pris sérieusement en études. En outre, je voudrais préciser que la forme Mizab « gouttière » (avec un /z/ non emphatique) qui est de création relativement récente (voir Cheikh Tfeyyeche). Elle doit dans les meilleures conditions remonter à l’époque de Cheikh Tfeyyeche, c’est-à-dire au dix-neuvième siècle ou même un peu avant. Cheikh Tfeyyeche, sans jamais étudier la langue amazighe du Mzab, avait tenté de ramener le nom Mẓab à Mizab. Et pour étayer cette nouvelle thèse, il avait véhiculé ce qu’il entendait probablement dans son entourage (des « histoires » montées de toutes pièces et connues de tout le monde).
Si je prends le coté linguistique de la chose, je serais conduit à faire remarquer que les schèmes de Muṣab et Muṣɛab qui sont respectivement de type CVCVC et CUCCVC n’existe pas dans la langue amazighe du Mẓab. Aussi étrange et aberrant que cela paraisse, les élites arabisantes et arabisées ne cessent de nous montrer qu’une population étrangère à l’arabe se serait désignée depuis des temps immémoriaux par des noms qui ne font pas partie de leur langue. Encore sans aller au vif du sujet, j’attire votre aimable attention que les auteurs médiévaux avaient opté dans la transcription en graphie arabe de noms propres (anthroponymes et toponymes) pour l’usage presque conventionnel de la lettre arabe « ص » au lieu de l’authentique « ẓ » (/z/ emphatisé), car cette dernière n’existe pas dans l’alphabet arabe. Tant de cas illustrent bien ma thèse y compris le cas de Beni Mṣab (بني مصاب) : Beni Mṣab < Beni Mẓab < At Mẓab.
Toujours au plan linguistique, la forme Mẓab/Nẓab dérive du nom primaire ẓab qui, de son coté, est un toponyme qui couvre une province ou un groupe d’oasis situées dans une dépression limitée par les montagnes des Aurès et de Tell (montagnes de l’Atlas). Par ailleurs, ce que je fais remarquer, c’est qu’actuellement, les monts du Zab sont situés dans la Wilaya de Biskra, dont la variante amazighe employée est Tacawit. Je rajoute que d’après mes souvenirs, il existe à Batna un endroit qui s’appelle iɣzer n ẓab. Quant à l’étymologie de ẓab, des idées primaires aussi bien que non appuyées qui ne cessent de venir à l’esprit. Les évoquer, ça sera peut-être dans le futur.
Le nom Mẓab, si l’on veut éviter de le réduire aux seuls récits particuliers, doit être envisagé et étudié à la fois sous son aspect géographique, anthropologique, linguistique, épigraphique et historique. D’ailleurs, l’étude d’un ethnonyme-toponyme est appelée à être interdisciplinaire. Et si l’érection des cités du Mzab était dictée par une unité ethnique ayant la même langue, il serait difficile de songer que le nom Mzab puisse découler d’une autre langue que celle des Amazighes du Mzab.
Notes :
(1) je pense là qu’il y a glissement d’une autre erreur de transcription de type : Zeğğik > Zahhik, « ج » # « ح » sachant que les signes diacritiques ont toujours posé problème dans les différents manuscrits, et un copiste peut bien omettre de transcrire lesdits signes, par exemple : « ص » peut devenir « ض », « ج » « ح » et « ز » « ر », etc…)
(2) Même avec une petite tache (d’une mouche, par exemple), un copiste non averti peut s’induire en erreur en transcrivant « مضاب » au lieu de « مصاب ».
Tanemmirt.
Tags: Articles en Français