Mystère de deux minarets
El-Ateuf et le mystère de deux minarets
Yves Bonet
El Atteuf aurait été précédée par trois villages : « Oughira » dont il reste la mosquée plus ou moins entretenue, à quelques centaines de mètres de la ville actuelle ; « Tilesdite », qui aurait été le premier de tous les établissements ibadhites au Mzab, et « Aoulaouel », ces deux derniers villages dans la palmeraie d’El-Atteuf.
Jusqu’à présent on s’étonnait toujours de l’existence de deux mosquées à El Atteuf. Et Tristram nous en signale trois en 1859 ! Les explications proposées pour expliquer la présence de deux minarets (conflit interne et scission) ne sont peut-être pas satisfaisantes. Qu’il me soit permis d’avancer une hypothèse. Je préciserai d’abord qu’il y a, à l’extérieur d’El Atteuf, contre la face ouest de l’enceinte, le cimetière de la ville. Une partie, la plus ancienne et qui n’est plus utilisée, est appelée le cimetière « Soleyman ben Abdeljebar el Motazili » et aurait été le lieu d’inhumation des Motazilites qui vivaient autrefois en cet endroit. On sait que les Motazilites (appelés aussi Wacilites du nom d’un de leurs chefs Wâcil ibn ‘At’a) formaient une secte dissidente en conflit avec les ibadhites et qu’ils occupaient, entre autres, la région du Mzab où ils avaient le nom de Beni Mzab. Il se pourrait alors que les premiers ibadhites soient venus s’installer près d’El Atteuf où ils trouvèrent au moins un ou deux villages. Ce qui expliquerait les trois anciens villages cités plus haut. Ayant ensuite converti (mais tardivement) les Wacilites à l’ibadhisme ils se seraient réunis pour former une seule ville divisée en trois quartiers, d’où les trois mosquées.
Le principe de l’unicité de la mosquée dans chaque ville dut l’emporter ce dernier siècle pour réunir les deux quartiers ibadhites dans une seule enceinte religieuse, le quartier des anciens motazilites conservant la sienne.
Un petit argument en faveur de cette hypothèse est le minaret de cette dernière mosquée qui n’est pas de la même proportion que tous les autres. En effet, il n’a que douze à treize mètre de haut au lieu de vingt, … et de ce fait parait effilé. …
L’hypothèse avancée n’est qu’une base de travail. D’autres recherches plus complètes pourront confirmer ou, au contraire, infirmer ces données.
(Bonet Yves, "Le Mzab vu par un Anglais en 1859", Bulletin de Liaison Saharienne, juin 1962, n °46, pp. 129-139).
Photo : Tajninte (El-Ateuf, 1863). Source :
Ville Ludovic, Exploration géologique du Beni Mzab, du Sahara et de la région des steppes de la Province d'Alger, 1872, 570 p.
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