Structuration sociale
La religion a était l’élément clé dans la structure sociale mozabite. Une telle
communauté pour qu’elle puisse subsister malgré les agressions qu’elle a subi, elle doit
avoir une volonté de survivre et de vaincre. Cette volonté est fondée systématiquement sur la
base des convictions religieuses et des raisons assez logiques pour se développer à travers
les générations. La religion, il n’y a pas une source de vie plus forte que les convictions
religieuses. Lors de notre recherche nous avons distingué que le seul élément commun entre
les différentes apparitions des sociétés mozabites est le rite Ibadhites, malgré les différences
ethniques.
La société mozabite se caractérise par un mouvement religieux plus au moins
différent de tous ce que pratiquent les autres tribus en Algérie. Une société qui se modernise
ces derniers jours après son repli sur elle-même pour plusieurs siècles, sans pour autant
changer les fondements sociaux de sa gestion qui est composé des élus de la société dans les
sciences religieuses et les sciences de vie
Malgré les divergences des races que la société mozabite a pu englober, elle forme une masse rigide aux effets de modernisme, pratiquement elle est parmi les rares communautés qui ont préservé leurs structures sociales, si elle n’est pas la seule en Algérie, malgré la globalisation qui a envahi le monde entier. Cette forte structuration était derrière la mystérieuse architecture classée comme patrimoine mondial par l’UNESCO. Nous allons présenter en bref cette structure particulière de la société mozabite avant d’entamer notre exploration de la symbolique de la lumière des mosquées mozabites.
Dans ‘’Le M’zab : Espace et Société’’, B. Benyoucef nous rapproche la constitution de cette structure. La mosquée est jusqu’à nos jours le centre du pouvoir interne, de décision, de législation et l’Imam est le chef spirituel et temporel, à lui revient l’autorité suprême. Le principe de Choura comme nous l’avons déjà définit ; principe de la tradition prophétique, basé sur la prise de décision après avoir consulté les docteurs en loi islamique qui sont les membres de la halkat appelés Azzaba, et le conseil est le conseil des Azzaba. Ils désignent l’un d’entre eux comme juge. Le pouvoir judiciaire est autonome. Parmi les membres de halkat ou conseil des Azabba, le juriste consulte.
Ce conseil veille sur la vie économique, culturelle, intellectuelle, sociale, politique et morale et même d’ordre général à l’intérieur du Ksar ; donc, pour chaque ksar un conseil. C’est à l’échelle de chaque ksar, à une échelle réduite figure le conseil consultatif (chourate) pour gérer la famille, unité de base de la formation du ksar. Entre ces deux échelles, il y’avait le conseil de Djemaa, qui a maintenant un rôle plus symbolique que pratique, c’est un conseil au niveau de chaque Arch. ; fraction, à l’intérieur de chaque cité, présidé par le Hakem, et un assistant appelé Naïb, il est dépendant du conseil de Azzaba, chargé essentiellement de la gestion des biens de chaque fraction. A une échelle suprême nous retrouvons le conseil confédéral des sept villages (ksour) appelé Majlis Ammi Saïd, constitué par un membre de chaque cité, le président de ce conseil est l’un de ses membres, élu chaque cinq ans. Ce conseil est chargé de la gestion des grandes affaires, les relations extérieures, …etc
Il existe aussi un conseil constitué de femmes appelé le conseil Timsiridines ; le recrutement des femmes dans ce conseil se fait de la même manière que le conseil Azzaba, sur la base de la qualité morale et intellectuelle et preuve de dévouement. Ses membres sont chargés de l’enseignement et l’éducation auprès des femmes, la supervision de l’ordre social et les toilette funéraire.
Le présent schéma démontre l’hiérarchie des différents conseils :
Schéma démontrant l’hiérarchie des conseils caractérisant la société mozabite
Vie sociale
Les cités du Mzab sont organisées en une structure lignagère : le lignage ou Taddart selon la taxinomie locale est un groupe de descendants dont les membres revendiquent un ancêtre commun. La descendance se trace à travers les hommes, et l’on est, contrairement à la société des Imuhaq (Touarègues), dans le cas d'une société patrilinéaire. Le Suff[4] (alliance politique entre fractions) est constitué de plusieurs lignages que chacun joue entre autres le rôle de solidarité et d’alliance ; c'est une sorte d'alliance qui n'a pas d'existence institutionnelle, qui peut d'un moment à l'autre changer de configuration. Le choix de quitter ou de demeurer au sein d’un Suff revient ou lignage. Ce choix se fait en fonction des intérêts de conjoncture. On se définit par rapport à une telle ou telle famille et on appartient à un tel ou tel lignage. Chaque cité regroupe des tribus qui, elles, constituent des Suffs. La tribu se structure dans une organisation pyramidale complexe à trois niveaux. Au premier niveau viennent les fractions (tiâcirin), regroupant chacune, sur une base généalogique, un ensemble de Tiddar (familles élargies portant le même nom d’état civil et supposées descendre d’un ancêtre éponyme). La fraction est une unité administrative de base gérée par une assemblée représentative. Elle dispose des biens communs notamment un siège où elle tient les assemblées générales et organise les noces. Au deuxième niveau, un ensemble de fractions forme la tribu, qui n’est généralement pas le fait d’une descendance généalogique, mais plutôt d’une alliance politique permanente entre des fractions et clans. On arrive, au troisième niveau, à l’alliance des tribus sous l’égide des Iâezzaben[5] (religieux ibadhites). C’est pour cela que E.MASQUERAY observa que l’agherm dans la Mzab est une cité de deuxième degré qui, en étant une structure trilitère, représente des ressemblances frappantes avec l’ancienne cité grecque.
Aujourd'hui, le sentiment d'appartenir au Suff a disparu auprès des nouvelles générations. Les mutations que connaît la région ont eu un impact considérable sur les mœurs et les comportements. On assiste à l'émergence de nouvelles formes de conscience individuelle ; et des attitudes propres aux sociétés de type différencié prennent de plus en plus d'ampleur.
Par Hammou DABOUZ
Références bibliographiques
· Brahim CHERIFI, 2003. Université de PARIS III VINCENNES-SAINT-DENIS, Thèse pour le doctorat d’anthropologie. « Etude d’Anthropologie Historique et Culturelle sur le Mzab ».
· Joël ABONNEAU, 1983. Université de PARIS I (Panthéon Sorbonne), Thèse pour le doctorat de 3ème Cycle en Art et Archéologie. « PREHISTOIRE DU M’ZAB (ALGERIE – WILAYA DE LAGHOUAT ».
· IZMULEN, Yennar 2951 (2001). Revue de l’Association Culturelle BERGAN, Numéro 01.
· Brahim BENYOUCEF, 1986. Entreprise Nationale du Livre –ALGER, LE M’ZAB : les pratiques de l’espace.
· Djilali SARI, 2003. Editions ANEP, LE M’ZAB : Une création ex-nihilo en harmonie avec les principes égalitaires de ses créateurs.
· A. RAVEREAU, 1981. Editions Sindbad, Paris, Le M’Zab, une leçon d’architecture.
· A. IBN KHELDOUN, Traduction de Slane, Paris, Geuthner, 1934, 4 Vol, Histoire des Berbères et des dynasties musulmanes en Afrique septentrionale.
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[4] Il est à faire remarquer que le Suff ne se constitue pas sur des bases ethniques et il ne reflète pas une opposition nomades/sédentaires, arabes/amazighes. Tout au contraire, il traverse tous ces clivages, parce qu’appartenir à une ligue est une nécessité qui ne dépend pas de la nature du groupe, ni de son origine, ni de son affiliation religieuse.
[5] Le terme iâezzaben découle du singulier aâezzab qui signifie « reclus » et, par extension, le membre du conseil de la mosquée.
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