Cheikh Tfayech

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Cheikh Tfayech

(1818-1914)-Exégète, historien, poète, encyclopédiste

De la vallée du M’zab à… Oman

«Aucune société n’est parfaite. Toutes comportent par nature une impureté incompatible avec les normes qu’elles proclament et qui se traduit concrètement par une certaine dose d’injustice, d’insensibilité, de cruauté.» C. L. Strauss Parmi ses disciples, le révolutionnaire lybien Suleiman Bacha El Barouni, l’historien tunisien Ben Taârit et Ahmed Rifaï de Medine. Parmi ses œuvres, 3 exégèses du Coran, Taysir tafsir, Daï el Amal li yaoumi el Amal, Haïmane Ezzad ila dar el Miâd. Il a envoyé des fetwas (jurisprudence) à Oman, en Kabylie, à La Mecque. Il a correspondu avec les grandes figures du Moyen-Orient du Maghreb et d’Europe.

Evoquer cheikh Tfayech dans une notice de quelques lignes n’est pas chose aisée. Sa longue vie bien remplie, son activité au service du rite ibadite, ses voyages dans le monde arabe, ses relations avec les hommes célèbres de son temps, ses œuvres qu’il est difficile de cerner nécessitent des espaces plus grands si on veut approcher cet homme hors pair que ses compatriotes ne connaissent pas. Comment peut-il en être autrement, lorsqu’on sait que la documentation inhérente à ce savant fait largement défaut. Abul Qasam El Hafnaoui ne l’a évoqué que furtivement alors que Adel Zvaïtar, dans son Mûadjam A’lam El Djzaïr, se contente d’une énumération sèche des œuvres de notre érudit… Il est né à Ghardaïa et y a passé sa prime jeunesse. A quatre ans, il perd son père. Il est pris en charge par sa mère qui a perçu en lui un enfant doué. Elle le confie à un enseignant du Coran qu’il assimile totalement à l’âge de 8 ans et lui ouvre la voie vers les disciplines théologiques et profanes. C’est ainsi qu’il se met à la grammaire arabe, à ses secrets et aux règles du fiqh, sous la férule de son aîné Ibrahim Ben Youcef, et à la logique de son cheikh Saïd Ben Youcef et de Yenten. Il assistait assidûment avec son aîné aux cours de Omar Ben Slimane Nouf, à ceux du cheikh El Hadj Slimane Ben Aïssa à l’école des «Yesdjenny yn». Il a participé en outre aux cours de Baba Ben Younès à la mosquée de Ghardaïa. Ses premières bases acquises, il s’est attelé avec une fougue remarquable et une soif inextinguible à la recherche du savoir, aidé par une intelligence supérieure et une mémoire infaillible. Autodidacte, il n’a jamais quitté son pays pour de lointaines universités et a fait montre d’une grande volonté dans l’acquisition des écrits et les copier, malgré les difficultés de communication et les vicissitudes de la vie. Un grand érudit Le savoir acquis, il fit des voyages qui l’emmenèrent vers le lointain Oman qui pratique le même rite ibadite et où il laissa une forte impression. Tfayech naquit à Beni Izguen au cœur de ce Mizab au milieu de ses cinq villes laborieuses, fondées par les ibadites : El Ateuf, Bounoura, Melika et Ghardaïa. Après avoir entamé les premières années de l’école coranique de la localité, il prit – comme le voulait l’usage au Maghrib – le chemin des centres culturels importants. Il découvre ce Machriq fascinant dont rêvaient les assoiffés du savoir : Jérusalem, La Mecque, Médine, le Caire. Les études ne l’empêchèrent point d’élargir ses relations et son savoir. Il connut le sultan Barghrach de Zanzibar qui devint son mécène. Il publia son Hawyâne al zaïd li yaouni al mâd (un commentaire en 6 volumes paru au Caire, à Zanzibar et à Tunis). Féru de lecture et d’écriture, on raconte qu’il ne se séparait jamais de sa plume, même quand il se trouvait à bord d’un bateau qui l’emmenait d’un port à un autre ! Comme tout musulman ayant les moyens, il se rendit deux fois en pèlerinage, et profitant du grand rassemblement des croyants aux Lieux saints, il donnait des conférences sur les sujets de l’heure. Il lia des relations avec des personnalités du Hidjâz, d’Egypte, de Oman, du Maroc et de Tunisie. Il entretint de régulières relations épistolaires avec l’Egyptien cheikh Muhamed Abdû. Puissent les archives de sa bibliothèque livrer les opinions des deux hommes sur les questions qui agitaient le monde musulman du XIXe siècle. Après tant de pérégrinations, tant de contacts, voilà cheikh Tfayech de retour au pays natal. Il n’était pas difficile pour lui de «régner» dans un premier temps sur les cités ibadites de la palmeraie. Une œuvre immense Là, il se consacrera à dispenser un enseignement dont la qualité lui ramena des élèves étrangers. Là, il sut donner à l’ibadisme une perception qui le rapproche du malikisme. L’affinité très étroite qui existe entre la dogmatique ibadite et celle du madhab de Mâlik ne laisse aucune place à l’incompréhension, source de divergences qui n’auraient jamais dû exister. Ou condamner avant de connaître, un poème ibadite sur certains détails sans grande importance, publié dans RO, II 960-268, mérite une lecture objective et une analyse libérée des préjugés. Je me souviens – il y a quelques années, conduisant les étudiants d’histoire, nous avions marqué une halte au Mizab. Cheikh Bayyoud, ouvert, libéral avait bien voulu démontrer, dans un cours simple à la portée des visiteurs, les points de rencontre et les points de divergence entre les deux rites. Les étudiants furent ravis d’entendre une voix autorisée minimiser avec preuves et citations les idées préconçues. Une pareille initiative devrait se conjuguer jusqu’à l’anéantissement de ces barrières nocives. De par son érudition consacrée par une vaste culture encyclopédiste ayant donné lieu à d’inoubliables publications de son vivant, le cheikh est une référence incontournable du patrimoine ibadite contemporain. «Un authentique représentant des traditionalistes ayant fait leurs preuves séculairement», note Djilali Sari dans son ouvrage L’intelligensia algérienne. Il est demeuré à l’écoute de la nahda en restant attentif à son évolution, compte tenu de l’entretien de relations suivies avec l’extérieur, notamment avec Tunis et le Caire. Notre savant s’est investi sans relâche dans toutes les disciplines à l’origine d’un savoir encyclopédique qui a fait un pied de nez magistral aux orientalistes du XIXe siècle, si attachés à leur eurocentrisme. Le cheikh prodigua son enseignement dans la vallée du M’zab et bien au-delà, suivant une tradition bien établie et un mode de vie se rapprochant beaucoup plus de l’ascèse. Son œuvre a été éditée à l’âge de 34 ans en 14 volumes sous les auspices du sultan de Zanzibar en 1897. La seconde l’a été par le département du patrimoine et de la culture relevant du sultanat d’Oman en 1991. La troisième exégèse, comme le rapporte Djillali Sari, a été bouclée à l’âge de 80 ans ! Un modérateur Le prestige du cheikh toujours grandissant et son activité débordante, le rayonnement de ses opinions lui valurent hostilité et opposition. Comme les poètes maudits, il fut jalousé, contesté au sein-même de la communauté. Ses propres coreligionnaires le mirent en quarantaine et leur haine à son encontre fut égale à l’encensement dont il fut l’objet aux heures de sa gloire. Il ne restait que le chemin de l’exil pour ce pestiféré, ce paria. Il prit son mal en patience et laissa passer l’orage pour retourner à Beni Izguen, où il retrouva son prestige et devient même chef des Azzabas. Modération, rapprochement avec la sunna firent du cheikh Tfayech la figure de proue du M’zab et l’espoir d’une Algérie unie dans sa diversité. Surnommé à la fin de sa vie «Âlim el Ufuqaïn» (savant des deux mondes), le cheikh mourut le 23 mars 1914 à Beni Izguen à l’âge de 96 ans, non sans avoir connu deux événements marquant sa région : 1852 avec le protectorat français et l’annexion du M’zab par la France en 1882. Il lutta pour que les mosquées ibadites puissent être directement gérées par les biens Habous. La consolation pour lui, c’est d’avoir laissé des dizaines de disciplines et une bibliothèque qui n’a pas dévoilé tous ses trésors. Parcours M'hamed Benyoucef Ben Aïssa Tfayech, connu sous le pseudonyme «Pôle des imams» (1237h/1821g - décédé le samedi 25 Rabi’e athani 1332h/1914g) est né en 1818 et décédé en 1914. Le plus docte des savants ibadites au Maghreb islamique de la période contemporaine. Il est issu d’une grande famille connue pour avoir enfanté moult hommes de culture, du clan des Ba M’hamed qui remonte à la famille royale Hafcide qui a régné en Tunisie de 625/983h – correspondant à 1229-1574 g). Il fait remonter dans certains de ses écrits sa généalogie au fameux Abu Hafç, Omar Ibn El Khattab que Dieu l’agrée. Sa mère est Mama Setti, fille d’El Hadj Ben Addoun du clan des Ben Yedder de Beni Izguen.

Hamid Tahri

ayane mzab ghardaia

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